Il y a plus de 10 ans, le Dr William Shotyk se penchait sur la question de la provenance de métaux dans le bassin versant de la rivière Athabasca. Le géochimiste canadien travaillait alors à l’université de Heidelberg, où il étudiait les carottes de glace provenant de l’Arctique canadien dans le but de retracer la présence de plomb dans l’atmosphère datant de plus de 15 000 ans.

« Je venais de lire un éditorial dans The Globe and Mail portant sur la présence de plomb dans la rivière Athabasca en raison de l’exploitation des sables bitumineux. Je n’avais jamais visité la région de la rivière Athabasca, mais, en tant que scientifique, cela me semblait étrange, car je n’avais jamais entendu parler de la présence de plomb dans le bitume », a rapporté le Dr Shotyk, qui était alors directeur de l’Institute of Environmental Geochemistry. « Je me suis donc demandé ce qu’il en était réellement de cette contamination de l’environnement par les oligoéléments dans le nord de l’Alberta. Bien que les oligoéléments tels que le plomb puissent être toxiques en fonction de leur composition chimique et de leur abondance, ils se retrouvent dans tous les sols, toutes les plantes et tous les cours d’eau, mais généralement à de faibles concentrations ».

Cette question a poussé le Dr Shotyk à se joindre à la faculté de l’Université de l’Alberta en 2011 en tant que titulaire de la Chaire Bocock pour l’agriculture et l’environnement, et à mettre sur pied un laboratoire ultrapropre n’ayant recours à aucun métal (le laboratoire SWAMP) dans le but d’étudier les oligoéléments présents dans le sol, l’eau, l’air, le fumier et les plantes. En 2014, grâce au financement d’Alberta Innovates et de la Canada’s Oil Sands Innovation Alliance (COSIA), le Dr Shotyk et son équipe du département des ressources renouvelables de l’université ont entrepris d’analyser des échantillons d’eau et de sédiments issus de la rivière, de la neige, de la mousse et de la tourbe provenant de tourbières et d’autres endroits du bassin versant du cours inférieur de la rivière Athabasca.

Les recherches du Dr Shotyk, qui ont jusqu’à présent démontré que l’exploitation des sables bitumineux n’a pas contribué de manière significative à la présence de métaux communs dans ce bassin versant, pourront se poursuivre grâce aux nombreux accords que l’Alliance nouvelles voies, l’organisation-satellite de la COSIA, a signés en décembre avec l’Université de l’Alberta. Un financement de 7,2 millions de dollars sera consacré à neuf projets de recherche au cours des trois à cinq prochaines années.

« Cette recherche est extrêmement importante, car elle nous aidera à améliorer nos performances, à combler les lacunes en matière de connaissances, à mieux comprendre l’impact de nos activités sur la nature et à développer des technologies permettant de réduire cet impact », a soutenu Wes Jickling, vice-président du développement technologique de l’Alliance nouvelles voies et de la COSIA[MP1] . « Ces accords permettront d’optimiser notre investissement de 2,38 millions de dollars grâce à un financement de contrepartie du gouvernement fédéral et à des fonds provenant d’autres sources. Il s’agit ici d’un investissement majeur dans les recherches de personnes extrêmement compétentes, dont certaines collaborent avec nous depuis plus d’une décennie. Ce financement nous permettra de les aider à poursuivre leur travail d’envergure dans plusieurs domaines importants ».

L’un de ces projets visera à remettre en état l’eau de traitement des sables bitumineux stockée dans les bassins de décantation des résidus. Ce projet pourra continuer à aller de l’avant grâce à l’accord conclu qui permettra au Dr Mohamed Gamal El-Din, en tant que titulaire principal de la Chaire [MP2] de recherche industrielle du CRSNG sur le traitement des eaux de résidus des sables bitumineux, de poursuivre ses travaux sur la mise au point de nouveaux matériaux et de procédés de traitement avancés pour l’assainissement de l’eau et des eaux usées.

« Je suis ravi de pouvoir poursuivre notre recherche multidisciplinaire visant à développer de nouvelles approches pour le traitement et la remise en état des eaux usées. Notre équipe travaille sur ce projet depuis plus de dix ans et je suis fier d’être témoin des progrès que nous avons accomplis. Notre principal objectif est de promouvoir des pratiques sûres et durables de remise en état des eaux usées pour le bien de l’Alberta et du Canada », a expliqué le Dr Mohamed Gamal El-Din, professeur au département de génie civil et environnemental de l’université. « Notre engagement nous a menés jusqu’à forger des partenariats avec la COSIA. Nous sommes enthousiastes à l’idée d’explorer et d’appliquer des méthodes de remise en état durables et éprouvées afin de faire progresser notre mission commune. »

Un autre projet qui pourra aller de l’avant grâce à l’accord conclu est celui du Dr Mohtada Sadrzadeh portant sur le développement de membranes thermiquement stables pour traiter l’eau produite par les activités de drainage par gravité au moyen de vapeur. La recherche, qui a débuté en 2016 et qui s’est poursuivie jusqu’en 2020, visait à développer des membranes qui pourraient prétraiter l’eau à haute température issue des activités d’exploitation ainsi que l’eau de fabrication. La prolongation du financement permettra à l’équipe du Dr Sadrzadeh de poursuivre ses travaux au laboratoire de recherche avancée sur l’eau de l’université. Ces travaux porteront sur le développement de membranes commerciales en fabriquant et en testant les plus récentes membranes en spirale ayant recours à l’osmose inverse à haute température. L’échéance des travaux est prévue pour 2026.

« Nous savons que notre travail peut paver la voie à un avenir plus respectueux de l’environnement et plus rentable pour l’industrie des sables bitumineux », a affirmé le Dr Sadrzadeh. « Nous aimons beaucoup travailler avec les membres de la COSIA, qui nous ont apporté leur précieuse collaboration tout au long du projet, et ce, tant du point de vue technique qu’industriel ».

L’annonce du financement prolongé a également réjoui la Dre Fiorella Barraza, une boursière postdoctorale qui a passé quatre ans à superviser des étudiants de cycle supérieur et à analyser des oligoéléments dans le laboratoire SWAMP, dans le cadre du projet Metals versus Minerals lancé par le docteur Shotyk. Mais pour la Dre Barrazza, c’est d’avoir accès aux échantillons et aux données de l’industrie qui est remarquable.

« Tous les fonds alloués à cette recherche sont incroyablement importants et les partenariats créés le sont tout autant, puisqu’ils permettent de mieux comprendre les données et d’accumuler encore plus d’informations », a déclaré la biogéochimiste péruvienne, qui a achevé ses études supérieures en France. « Au Pérou, il y a beaucoup de mines, mais il n’est pas vraiment possible d’avoir accès aux données comme celles qui nous ont été fournies ici au Canada. Le financement est important, mais la capacité de recueillir des échantillons et l’accès aux données le sont tout autant. »

Le Dr Shotyk, dont le projet Metals versus Minerals a été prolongé jusqu’en 2027, considère que les données qu’il fournit aident les responsables des orientations politiques à faire des choix éclairés en matière de développement durable.

« Tous les métaux que nous étudions proviennent d’une source naturelle au sein de la rivière Athabasca, et à cela s’ajoutent les métaux provenant possiblement de l’industrie. Si nous ne tenons pas compte des sources naturelles de métaux, nous ne saurons jamais dans quelle mesure l’activité humaine a une incidence sur la nature environnante », a-t-il expliqué. « Le bassin versant du cours inférieur de la rivière Athabasca est un laboratoire naturel vivant et nous pouvons obtenir beaucoup d’informations grâce aux échantillons que nous prélevons à partir de plantes, de tourbe, de sédiments, d’eau et de neige. Nous faisons de notre mieux pour présenter les faits qui permettront aux responsables des politiques de faire des choix éclairés. »